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École Nationale de Lutherie de Mirecourt – Année 2 : Vers la Maîtrise des Techniques de Fabrication

La deuxième année à l’École Nationale de Lutherie de Mirecourt marque le tournant décisif où l’apprenti luthier passe de l’initiation aux gestes fondamentaux à la fabrication progressive de l’instrument entier. Après une première année consacrée à la découverte du bois, des plans et de l’univers musical, cette deuxième année met l’accent sur la mise en pratique concrète et l’acquisition de savoir-faire spécialisés : réglages, cintrage, assemblage et vernissage.

1. Consolidation des connaissances en matériaux et outils

Dès la rentrée, les étudiants reprennent contact avec les bois nobles – érable ondé pour le dos et les éclisses, épicéa pour la table d’harmonie – et approfondissent leur connaissance des caractéristiques physiques (densité, résonance, homogénéité). Des modules avancés sur les colles animales, les vernis et les pigments enseignent l’impact de chaque ingrédient sur le rendu sonore et esthétique.

Parallèlement, la maîtrise des moyens de découpage (scie à refendre, égoïne, scie chantourneuse aux lames fines) et des outils de finition (limes, rifloirs, râpes, ponceuses manuelles) est perfectionnée. Chaque geste est analysé et corrigé pour optimiser la précision et limiter les pertes de matière.

2. Le découpage et le montage des plateaux

L’un des grands défis de la deuxième année est la réalisation des deux plateaux d’instrument : table et fond. Grâce à des gabarits et à un suivi pas à pas, l’élève apprend à calibrer l’épaisseur du bois – en respectant la graduation propre à chaque instrument – puis à tracer et découper la courbe du fond. La pose des chevilles de jonction et l’usinage des blocs intérieurs (pivots) assurent la rigidité et la résonance de l’instrument.

Le collage des éclisses sur le fond et de la table sur les éclisses constitue une étape cruciale. Les luthiers en formation doivent maîtriser le dosage de la colle et le serrage adéquat pour garantir un assemblage étanche et durable.

3. Cintrage des éclisses et cerclage

Le cintrage – c’est-à-dire la mise en forme courbe des éclisses – est une opération délicate, nécessitant un four à ébénisterie ou un fer à cintrer. Les étudiants pratiquent le façonnage des éclisses en suivant un profil précis, puis les ajustent sur le moule. La qualité du cintrage conditionne le galbe et, par conséquent, le volume sonore. Une formation spécifique au cerclage (pose de la barre de renfort intérieure) vient compléter ces savoir-faire indispensables.

4. Table d’harmonie et barrette

La table d’harmonie, vitrine acoustique de l’instrument, exige un travail de sculpture intérieur très fin : l’élève réalise la voûte intérieure puis façonne la barrette, petite pièce cruciale qui équilibre la répartition des vibrations. La mise en forme intérieure de la table est l’une des phases les plus techniques de la lutherie, car elle conditionne directement la richesse harmonique et la puissance sonore.

5. Fabrication du manche et du chevalet

Le manche, souvent réalisé dans un morceau d’érable massif, doit être usiné avec une ergonomie parfaite pour le musicien. Les élèves apprennent à tailler le talon, réaliser la volute et ajuster la pente de la touche. Le chevalet, quant à lui, est fabriqué à partir d’ébène de Macassar ou de palissandre. Sa découpe, sa forme arquée et son placement sur la table sont précisément calculés.

6. Initiation au vernissage et choix des pigments

En deuxième année, l’apprenti luthier découvre les secrets des vernis à l’huile et au spiritueux. Il expérimente différentes couches, ponçages et patines pour obtenir une finition transparente ou légèrement teintée, selon le modèle. Des cours théoriques sur la chimie des vernis expliquent la réaction entre résines, solvants et pigments.

Le vernissage n’est pas seulement décoratif : il influe sur la tenue dans le temps et sur la projection sonore. Un vernis trop épais étouffe, trop fin fragilise. Les étudiants font donc de nombreux bancs d’essai.

7. Contrôle qualité et réglages

À l’issue de la fabrication, l’instrument « à blanc » (sans cordes) est soumis à un contrôle qualité strict : planéité de la table, bonne assise des éclisses, ouverture correcte des ouïes en f et régularité de l’archure. L’élève procède aux derniers ajustements avant le montage final : chevilles, cordier, sillet, cordes.

Des sessions de tests sonores, souvent réalisées avec des musiciens invités, permettent d’évaluer le timbre, l’intonation et le confort de jeu. Les retours nourrissent les corrections finales.

8. Projets de restauration et d’archeterie

En parallèle de la fabrication, la deuxième année comporte des modules de restauration : l’élève apprend à démonter et remonter un instrument ancien, identifier les pathologies du bois (fentes, champignons, désassemblages) et réaliser des greffes ou des reprises de vernis. L’archeterie, discipline sœur, propose un premier contact avec la fabrication d’archets : sélection du bois de Pernambouc, mise en forme de la mèche et montage de la hausse.

9. Approche commerciale et gestion de projet

L’école initie également les étudiants aux bases de la gestion d’atelier : chiffrage, relation client, sourcing des matériaux, normes environnementales. Un mini-projet en groupe simule la création d’une série limitée d’instruments ou la réhabilitation d’un lot d’instruments d’orchestre.

10. Perspectives et préparation de la troisième année

À la fin de cette deuxième année, chaque élève présente un instrument complet – souvent un violon ou un alto – devant un jury professionnel. La note tient compte de la qualité de fabrication, du son, de la finition et du dossier technique (plans, photos, carnet de bord). Les admissibles à la troisième année sont ensuite guidés vers leur spécialisation : fabrication, restauration ou archeterie.